« ILS NE VEULENT PAS JOUER AVEC NOUS... »

Publié le par David L'Epée

Aux dires de certains, la Chine serait un paradis économique pour les entrepreneurs étrangers, qui y trouveraient la possibilité d’employer de la main d’oeuvre bon marché et sans protection sociale et de manoeuvrer avec un cadre légal très souple. C’est à la fois vrai et faux. C’est vrai, car c’est quelque chose qui existe encore et qui constitue une des sources principales du problème social chinois. Mais c’est faux, car ce phénomène commence à s’estomper avec le développement du pays sur tous les plans et son affirmation de grande puissance avec laquelle il faudra désormais traiter d’égal à égal et non plus de maître à esclave.

 

Les choses changent, donc, et certains patrons étrangers semblent avoir de la peine à saisir la nouvelle donne, comme Claude Bébéar, le président du conseil de surveillance du puissant groupe d'assurances français AXA, qui a fait il y a deux semaines la déclaration suivante lors d’un voyage d’affaires au Japon :

 

« Je pense que la Chine a beaucoup d'ennuis devant elle. D'abord ce n'est pas une démocratie. Ensuite, ici (au Japon), nous pouvons faire des affaires. Nous sommes respectés. Tant que nous respectons votre civilisation, nous pouvons faire quelque chose avec vous. La Chine est différente.

 

Les Chinois sont très nationalistes. Ils veulent que nous leur apportions des technologies, et après ça je ne suis pas sûr qu'ils veuillent continuer à faire des affaires avec nous. Ils veulent conquérir le monde, ils ne veulent pas jouer avec nous. »

 

Esprit colonial, quand tu nous tiens...

 

M. Bébébar, représentant typique du grand patronat français libéral, révèle ici à la fois sa bassesse, sa naïveté et sa profonde malhonnêteté. Sa bassesse parce qu’il attend d’être au Japon pour faire une telle déclaration, ce qu’il pense être sans doute une très bonne idée pour brosser ses partenaires du moment dans le sens du poil en rallumant leurs vieilles haines. Sa naïveté – qui n’est sans doute qu’une fausse naïveté – parce qu’il voudrait vraiment nous faire croire que la configuration coloniale des rapports commerciaux aurait pu durer indéfiniment et toujours au profit des Occidentaux. Sa malhonnêteté parce que c’est exactement ce qu’il aurait souhaité, et qu’il n’hésite pas à brandir le vieil épouvantail rapiécé du péril jaune pour justifier les relents esclavagistes de son discours.

 

Lorsqu’il appelle à la démocratie (mais qui ne le fait pas ? c’est le lieu commun le plus répandu aujourd’hui dans le discours politique), c’est l’étatisme qu’il attaque. Lorsqu’il fustige le nationalisme, c’est le protectionnisme qu’il vise. Lorsqu’il accuse la Chine de vouloir conquérir le monde, c’est pour mieux nous faire oublier que ce sont justement les gens issus de sa caste qui sont en train de le conquérir et ce au moyen du marché libre et mondialisé.

 

La Révolution n’aura pas suffi à la Chine pour s’extirper entièrement des rapports coloniaux avec l’étranger. Il aura fallu attendre qu’une autre condition se réalise, une condition qui commence seulement à se concrétiser : l’enrichissement du pays et sa montée en puissance. C’est une triste réalité géopolitique, mais c’est ainsi : on n’asservit pas les peuples puissants.

 

M. Bébébar et les autres se remettront assez vite de leurs émotions, je pense, et quand ils auront compris ce qui est train de se produire en Chine, ils délocaliseront tous en choeur vers l’Inde – « car là, il n’est pas trop tard, il y a encore du blé à faire ! »

 

Seulement, un jour aussi, les Indiens n’auront plus envie de « jouer avec vous »...

Publié dans économie

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Commenter cet article
Y
Ton analyse est d'une justesse incroyable, loin des poncifs idiots et racoleurs à la Cohen (la chine sera notre cauchemar) et autres "faces cachés de la Chine" aux idées intéressantes gâchées par une écriture poussive, arrogante et moralisatrice à 2 balles sensée rassurer le peuple.
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A
Bien d'accord avec toi. Ben quoi, ils veulent plus se faire exploiter les petits chinois ? Et pourquoi ca ? On s'amusait bien, pourtant... C'est d'un hypocrisme...
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