ET PENDANT CE TEMPS-LA, TOUT A DROITE DU PARTI...

Publié le par David L'Epée

« Laissez les gens parler. Le ciel ne tombera pas pour autant, et vous ne serez pas renversés. Et si vous ne les laissez pas parler ? Un jour ou l’autre, vous serez renversés. »

(Mao Zedong)

 

                                

 

Ceux qui, en Occident, présentent le Parti Communiste Chinois comme un monolithe s’exprimant d’une seule voix, sont bien loin de la vérité. Et comment pourrait-il en être ainsi, avec un parti, le plus grand du monde, qui compte plus de 70 millions de membres ? Inévitablement, des sensibilités différentes se font jour, et le PCC se divise en plusieurs ailes. Laisser s’exprimer les contradictions au sein du Parti car ces contradictions sont ce qui font de lui un organisme vivant : c’était un des credos de Mao Zedong, souvent présenté à tort comme un personnage autoritaire, alors que sa conception du pouvoir était aux antipodes de celle d’un Staline. Si, par peur ou par négligence, les contradictions se taisent au profit de l’aile dominante, quelle qu’elle soit, le Parti sera cliniquement mort – c’est ainsi que Mao poursuivait sa réflexion sur la nécessité d’une dialectique vivante à tous les niveaux de la société, et à plus forte raison au sein de l’équipe dirigeante.

 

Actuellement, l’aile dominante est représentée, sans surprise, par le président Hu Jintao et son Premier ministre Wen Jiabao. Je qualifierais cette tendance, difficilement cernable, de conciliatrice, modérée. S’appuyant sur la doctrine de la quête d’une « civilisation socialiste harmonieuse », le duo et leurs partisans cherchent à concilier élévation du niveau social et développement économique, en revenant sur les erreurs et les excès de l’équipe précédente, celle de Jiang Zemin. Mais cette voie est la cible de vive critiques, à gauche comme à droite.

 

A gauche, on trouve les néo-maoïstes, très nationalistes et partisans sur tous les plans d’une plus grande autonomie de la Chine , de jeunes dissidents qui se qualifient eux mêmes de « nouveaux gardes rouges », et une nébuleuse très intéressante qu’on appelle ici la Nouvelle Gauche et dont je parlerai plus en détail une autre fois. A droite on trouve les compagnons d’armes de l’ancien président Jiang Zemin, ceux qui ont profité des réformes de Deng Xiaoping pour libéraliser nombre de domaines essentiels au pays, creusant ainsi les inégalités sociales et corrompant les principes initiaux de la nouvelle économie socialiste de marché. Ceux-ci sont très impopulaires dans la population, comme j’ai pu le constater à plusieurs reprises, à commencer par Jiang Zemin lui-même, qui est certainement le président le plus détesté de toute l’histoire de la République populaire.

 

Après les excès gauchistes et droitistes de la Révolution culturelle et du règne de Jiang Zemin, les Chinois semblent avoir retrouvé le goût du « juste milieu », notion inhérente à la philosophie de cette civilisation millénaire, et qu’on trouve notamment chez Confucius. En cela, l’assise du couple Hu-Wen est assez bonne, car la modération et la recherche du juste milieu sont justement ce que le duo au pouvoir prétend représenter.

 

Plusieurs des Chinois avec qui j’ai parlé m’ont dit la même chose : « Les réformes engagées par Deng Xiaoping étaient nécessaires pour relever le pays, mais son successeur, en poussant ces principes à leurs points extrêmes, les a corrompus, trahissant à la fois l’esprit de Deng et ceux, originnels, du Parti communiste chinois. Si autant d’opposants aujourd’hui sont des opposants de « gauche », c’est parce que ce dont le peuple a le plus souffert sous la présidence de Jiang, c’est le chômage, l’exploitation ouvrière, l’insécurité sociale, le retour des inégalités. »

 

Pour mieux illustrer la diversité interne du PCC et l’existence de la contradiction dans ses rangs, je voudrais prendre l’exemple d’une dissidence de droite et citer l’éditorial du Quotidien du Peuple du 29 octobre dernier. La rédaction du journal a laissé tribune libre à Fan Gang, membre du Comité des mesures politiques monétaires de la Banque centrale, Secrétaire général de la Fondation de recherches sur la réforme du système économique chinois et directeur de l'Institut de recherches sur l'économie nationale. Ce Fan Gang, comme vous allez le constater, est un représentant typique de l’aile droite, l’aile libérale, du Parti. Son texte s’intitule Pourquoi l'écart entre les revenus augmente en Chine ?

 

« Le problème de système est un important facteur qui suscite des difficultés et qui nécessite une décision. A l'heure actuelle, les problèmes et les ennuis dus à l'ancien système sont en voie d'être réglés. On peut citer par exemple les personnes corrompues et dépravées qui utilisent souvent leurs attributions et leurs prérogatives, c'est-à-dire les droits publics, pour obtenir des intérêts égoïstes personnels, alors que l'ancien régime attribue pouvoir et privilège à tout fonctionnaire en lui permettant d'agir au nom des droits publics.

 

Le but de la réforme de l'économie du marché est justement de faire en sorte que les droits privés redeviennent ce qu'ils étaient. Seule la réduction des droits publics rend possible la surveillance et la punition des personnes corrompues et perverties et permet de diminuer au maximum les coûts nécessaires à cela. Dans ce sens là, le problème n'est pas dû à la réforme, il a en fait surgi dans l'application de celle-ci, et la seule solution réside dans la réforme du système économique. [...] Tout cela n'est pas dû à l'économie du marché, au contraire c'est que cette dernière n'est pas mise en pratique de façon générale. »

 

Le ton est très clair : il s’agit d’un appel à faire transiter l’économie socialiste de marché, modèle typiquement chinois, vers une économie libérale de marché à l’américaine. C’était, en gros, le credo de Jiang Zemin, et ce Fang Gang est certainement un de ses sbires.

 

A titre personnel, je ne vous cacherai que je considère ce genre de théories comme particulièrement nauséabondes, dans la mesure où elle manipule les faits pour servir l’idéologie : elle prétend expliquer les problèmes sociaux liés à la réforme par une mise en place trop modérée de la réforme, c’est-à-dire qu’il faudrait selon elle accélérer les processus économiques qui ont créé ces inégalités pour mieux les faire disparaître... Pas très crédible.

 

Ce type de doctrines, qui cherche avant tout à défendre un système profitable à une minorité (dans la mesure où elle veut enrichir quelques privilégiés aux dépens de la masse), est très dangereuse pour la Chine , mais elle ne représente que la voix d’une opposition, et qui plus est d’une opposition minoritaire. L’équipe au pouvoir, heureusement, tient un discours bien différent. Mais il me semblait intéressant de montrer que le PCC, loin d’être aussi dictatorial qu’on le dit souvent, laisse aujourd’hui s’exprimer la contradiction, et ce jusqu’au sein de la presse officielle. Belle leçon de tolérance maoïste, il me semble.

Publié dans politique

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A
Y a-t-il une extrême-droite en Chine ?Si oui, quelles sont ses revendications ?
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D
Ton blog est une mine de renseignements, que dis-je ! Une réference !<br /> Continue ce genre d'analyse, elles sont très compréhensible !<br /> <br /> Tu devrais être en accord avec Marc Vandepitte. ;-)
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