MUTTI : LELOGE DU PAYSAN CHINOIS
Alexandre Douguine et Claudio Mutti
Décidemment, on trouve pas mal de sinologues intéressants chez les Italiens ! Après notre série sur Maria-Antonietta Macciocchi, une des premières visiteuses de
J’omets de publier la première partie du texte, un peu laborieuse à lire pour des esprits non initiés aux philosophies orientales, et qui pourrait même paraître mystique. Pour la résumer, Mutti explique comment la théorie des contradictions développée par Mao Zedong ne doit pas qu’à la seule dialectique marxiste mais puise aussi son origine dans le taoïsme, pensée héritée du philosophe Lao Zi.
Je n’entrerai pas plus loin dans les détails, mais il clôt son propos en écrivant :
« La caractéristique solaire qui est attribuée avec insistance au rôle de Mao Zedong conduit à penser que le maoïsme est l’apparition contemporaine de la tradition impériale chinoise. »
Le texte qui suit, et qui analyse le maoïsme à l’aune d’inspirations non marxistes, n’est pas seulement extrêmement original ; il porte en lui une charge explosive. Il s’articule autour de quatre points, dont je publierai aujourd’hui les deux premiers (les deux suivants suivront dimanche prochain) :
- le volontarisme dans la pensée de Mao, qui redonne à l’homme la liberté individuelle que le marxisme classique avait confiné dans le déterminisme matérialiste ;
- le rôle de la paysannerie et plus spécialement du soldat-paysan dans
- la vision guerrière que cette idéologie suppose ;
- la définition maoïste de l’art, version chinoise du réalisme-socialiste dont nous avons déjà parlé plusieurs fois sur ce blog.
Dernièrement encore, ce texte de Mutti a attiré les foudres des pseudo-maos autoproclamés du PCMLM qui y voyaient un brûlot réactionnaire. Oser comparer la vision chinoise du soldat-paysan à sa vision allemande ! Citer l’ôdieux Spengler à témoin ! Placer le paysan au même rang que le prolétaire des villes ! Prétendre que l’action des hommes échappe au déterminisme de classe ! Réhabiliter Lin Piao, l’infâme contre-révolutionnaire ! Et encore aller chercher Platon, l’innommable philosophe de l’idéalisme ! Autant d’insolences que nos nouveaux petits gardes rouges, dans leur étroitesse d’esprit, ne sauraient tolérer. Mais qu’importe, l’histoire passera sans les voir et continuera de se faire sans eux.
Je vous laisse savourer ce texte et vous invite à prendre le temps de le lire attentivement et d’y réfléchir car c’est un apport assez inédit à la sinologie (et à la pensée tout court). N’hésitez pas non plus à laisser des commentaires !
VOLONTARISME
Le maoïsme offre une réinterprétation des forces agissantes dans l’histoire. Mao réaffirme l’importance des idées dans le développement historique : « Les idées justes sont propres à l’avant-garde du peuple, par laquelle elles pénètrent dans les masses, elles sont une force matérielle capable de transformer la société et le monde. » Alors que dans l’analyse marxiste, le rôle attribué aux forces matérielles est prépondérant, la pensée de Mao rétablit l’homme comme facteur décisif : « Il est suffisant que des hommes existent, pour accomplir une fin quelconque.
- de l’homme sur le fait matériel
- du travail politique sur les autres activités
- de la doctrine sur le travail politique
- des idées vivantes sur les idées des littéraires.
Nous nous trouvons devant l’image d’un idéalisme volontariste, d’où est exclu tout déterminisme de caractère laïque ou marxiste. Le maoïsme met l’homme à sa juste place : sujet de l’histoire, non objet d’une Histoire superstitieusement finaliste. Cet idéalisme volontariste est à la base de
L’importance de la paysannerie et l’antithèse entre campagne et ville sont des éléments centraux dans la conception maoïste de l’Etat, des éléments qui en Europe ont constitué les fondements des théories rurales d’Oswald Spengler, Walther Darré, Karl Dyrssen, Ferenc Szálasi, etc., dans lesquelles
Dans le nouvel ordre maoïste on observe de nouveau les prophéties hérétiques qui ont vu dans le bolchevisme le régime élu des soldats-paysans, avec lequel l’Allemagne, revenue à ses traditions socialistes et paysannes, aurait pu faire front commun contre l’Occident mercantiliste. Lin Piao écrit : « La guerre de résistance contre le Japon fut essentiellement une guerre révolutionnaire des paysans guidés par notre Parti... Prendre position parmi les paysans, créer les bases rurales et se servir des campagnes pour attaquer ultérieurement les villes : ce fut le chemin qui conduisit
Ferenc Szalasi, le chef des Croix Fléchées hongaristes, invoquait une insurrection anti-ploutocratique des nations d’économie agricole contre la puissance industrielle d’Europe et d’Amérique du Nord. Dans cette « distance aristocratique et lutte existentielle contre la bourgeoisie citadine » réside l’opposition entre la société basée sur la fidélité à la terre des ancêtres et la civilisation cosmopolite, entre le sens de la lignée et l’abâtardissement démocratique. Les intellectuels bourgeois considèrent avec horreur cette réalité.